Mylène attachée au milieu de la crypte

Catégories : Femmes soumises SM camisole FANTASME
il y a 10 ans

Mylène , selon son désir, est attachée au milieu de la crypte, les poignets vaguement attachés derrière la colonne , au moyen d’une corde rugueuse, irritante, urticante, mais lâche, afin qu’elle puisse éprouver sa quasi- immobilité, mais frotter son dos, ses fesses, ses cuisses, contre la pierre froide de laquelle son corps n’est séparé que par une étoffe fine quoique opaque, une tunique de soie qui l’enveloppe des épaules jusqu’aux mollets, décente, légèrement décolletée, recouvrant ses bras jusqu’aux coudes avec une importante échancrure.

Une ceinture de laine rouge sombre serre la tunique verte à la taille, laissant l’imagination vagabonder vers l’intuition d’un corps mince, vif et nerveux. Verte, la tunique, avec une cape qui tombe dans le dos comme celles des moines, d’un vert smaragdin aux moires d’un Véronèse pâle, sublimant la chevelure d’un roux qu’on ne pourrait qualifier de félin ni de flamboyant sans tomber dans l’image éculée, et certainement faussement applicable en ce cas précis. Simplement, un roux irlandais classique tirant sur le blond parfois, artistiquement flou et décoiffé, suggérant d’inutiles et dérisoires luttes avant l’immobilisation , initiatique? Sacrificielle? en tout cas sacramentelle...

Tout a été consigné selon son désir dans un scénario audio-visuel qu’elle contrôlera de mouvements imperceptibles du visage, afin qu’elle puisse se consacrer, durant cette étrange séance, à l’inspiration qui doit imprégner sa prochaine mélodie.

... « Des vers de sept syllabes... ---Préfère l’Impair sans rien sur lui qui pèse ou qui pose -- beaucoup de consonnes liquides, beaucoup de syllabes ouvertes... -- C’était à Megara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar ---- Un frais parfum sortait des touffes d’asphodèle, les souffles de la nuit flottaient sur Galgala -- Oui, c’est cela, cela doit être lancinant, lent, lent-cinant... Maintenant, l’aria »

Un imperceptible mouvement de la tête, comme un acquiescement religieux. De nulle part, sur un fond d’orgue, une mélopée, mélangeant un zeste d’adagio d’Albinoni modernisé, un Clair de Lune fantomatique, occupe l’espace sombre... Dans sa tête, elle ingère, elle malaxe, elle invente ,elle ajoute : « Il faut le frottement de deux sabres l’un contre l’autre, crissement, éclairs, il faut que ce soit régulier, sans concession... il ne faut pas de cymbales, c’est trop grandiloquent, pas de triangle ni de timbales, c’est trop vulgaire... Il me faut des pizzicati parfois, et, oui... des frôlements, plutot des feulements, il faudra que je réécoute la musique pour cordes, percussion et célestat... Célestat, il m’en faut ... Je tiens ma mélodie, mi-andalouse, mi-wagnérienne, drôle de mélange, mais c’est cela, j’y suis... » La musique a rempli l’espace, elle ne s’impose pas, elle se fait sourdine, c’est le temps de la recherche primordiale, les paroles...

En cet instant, le silence revient, une quasi-obscurité, la lumière crayeuse et blafarde tombant en pans bleuâtres et ocres, en biais de haut vers le sol , tamisée par le vitrail ogival, effleurant les pieds nus de la jeune femme dont on ne perçoit qu’une très légère respiration. Insensiblement, une lueur au fond de la crypte, prend forme et consistance, blanche, et vient lécher les contours d’un corps masculin, nu, attaché sur une croix de bois, par les poignets sur la poutre horizontale, par les chevilles sur la poutre verticale.

Mylène , les yeux grands ouverts, se pénètre de la sensualité de cette architecture masculine, les muscles, tous les muscles, les biceps, les pectoraux, ah! les pectoraux qui semblent dur comme le bois des stalles, le ventre qu’elle aimerait frapper de ses poings fermés, pour entendre résonner les coups dans ce silence, pour éprouver le moelleux, l’élasticité, faire mal, mal comme si c’était en elle qu’elle allait porter la dureté des os pliés des doigts....

Les cuisses serrées, et cet appareil au repos qu’elle voudrait animer ! Mais l’homme a les yeux bandés... Il se soulève pour respirer un peu, difficilement, et laisse retomber son corps, épuisé... Elle aimerait se fondre dans ce corps, souffrir avec lui, recevoir de ses mains la lacération, la brûlure, la morsure, partout... L’attente est interminable. La lumière s’est abaissée, il n’est plus guère qu’une ombre bienfaitrice et à la fois maléfique. Elle sent son cœur s’accélérer, elle ne veut pas caresser ses cuisses l’une contre l’autre. Elle attend !

« Râle.... Le mot est parfait... Il me le faut. Au début, à la rime, et à la fin, en point d’orgue ! Râle... et puis ‘souffle’ aussi, mais pas ensemble...

Regarde, Mylène, ces durs muscles bandés, la f o r c e, l’énergie domptée comme un cheval attaché, et puis ce souffle ténu, qui sourd de ce torse d’acier...Quel choc étrange ! J’ai envie de griffer cette poitrine jusqu’au s a n g pour comprendre d’où vient ce souffle si faible...Comment rendre cela ? Pourquoi ai-je à la fois envie de pleurer, et de me faire baiser par ce corps anonyme et pourtant connu de toute éternité, puisque c’est lui, l’éternel Amant, qui m’a tenu dans ses bras il y a quelques heures ! Je me dédouble, j’ai deux corps : jusqu’à la taille, une douloureuse remontée de s a n g l o t s, un resserrement, une angoisse qui me rend désespérée, et puis, au-dessous, une chaleur, un désir, le désir qu’on me détache et que je puisse enfin toucher ces cuisses dures, lécher ce sexe maintenant au repos, en commençant par la base, remonter vers le gland... et puis nous laisser tous deux dans la frustration inséparable du jaillissement des mots. Ah ! Comme c’est dur !

Râle, Homme ... C’est cela, Homme, avec une majuscule, mais après, il me faut un mot qui commence par une voyelle... Enigme, cela correspond à ce que je cherche, mais trop dur à prononcer, cela casse le vers. Non, plus visuel « Râle, Homme écartelé, râle ! ».

Sur sa croix, l’homme a puissamment inspiré, sans doute pour relâcher les muscles de son dos, ankylosés par sa posture. Elle a apprécié l’ouverture du diaphragme, le développement de ses plages de chair. Son sexe s’est légèrement redressé, a changé de position, s’incline sur sa cuisse droite. Il a longuement ouvert la bouche... Puis est revenu à sa position première.

Elle s’inquiète, elle l’aime, elle lui a imposé cette mise en scène, uniquement pour son inspiration à elle, elle ne pensait pas que ce serait si long. Elle n’a pas le droit de rompre le silence... « On aurait dit, quand il a ouvert la bouche, qu’il cherchait quelque chose... Oh ! Mais quelle perception, la transmission de pensée sans doute, il m’a donné une si belle rime: « Tu n’auras pas le Graal! Sois lié au démon du mal! Jusqu’à la fin des temps, râle ! »

« Ce n’est pas du Victor Hugo, ce n’est même pas du Nougaro, mais c’est du Mylène Fermière, du pur produit de ma ferme ! Et puis, avec la musique, et surtout le clip video, les images, cela doit faire un tabac! Mais nous n’en sommes qu’au début! »

Elle secoue la tête, et de droite et de gauche se mettent à souffler deux ventilateurs qui s’engouffrent dans les replis du tissu, les méandres de la soie, s’acharnent à dénuder les cuisses et le haut du torse, laissant parfois découvrir la toison rousse ou la pointe d’un sein. Elle semble ronronner sous la caresse, et, tirant sur les cordes de ses poignets, elle se détache sans difficulté... Elle se dirige vers la croix, monte sur un tabouret, ôte le bandeau qui couvre les yeux de son amant, puis se poste en face de lui, contre la colonne, bras levés au-dessus de la tête. Elle aime voir s’allumer les yeux du mâle, elle laisse glisser à terre son vêtement, et immédiatement admire le sexe qui se redresse. ..

Son pouvoir de femelle est immense et précis, elle fait ce qu’elle voulait faire : elle s’approche comme une panthère, appuie ses ongles longs au bout de ses doigts recourbés, au centre du ventre aux muscles carrés. Elle appuie, elle appuie, puis elle lui inflige une longue griffure, du nombril jusqu’à la naissance du pubis. Cinq lignes rouges sur ce corps blanc, trop blanc de cette lumière blême. Elle a mis en même temps son autre paume sur la taille, au-dessus de la hanche, et elle a pu sentir la crispation qui a précédé le grondement d’impuissance de son beau mâle. Elle s’est inquiétée du ramollissement de son phallus , qui s’est pourtant immédiatement ressaisi lorsqu’elle a léché consciencieusement le suintement qu’elle venait de provoquer. Puis, selon son désir, elle s’est vêtue de nouveau de sa longue tunique et s’est cachée derrière le pilier, la cape refermée sur la tête, recroquevillée, ratatinée, comme un sac de grain abandonné, mais vigilante, attentive, du centre de ses yeux en amande.

Une femme est entrée. Noire. Cagoule noire, justaucorps noir, bas et ballerines noirs. Elle s’est postée à distance correcte de la croix, longueur de son fouet noir et de son bras tendu. Bras actuellement mou, relâché, la lanière, tressée, serpentant sur le sol comme la queue d’un ragondin. Mylène cherche.

« Pourquoi ce sexe d’homme m’émeut-il ainsi? Pourquoi cet endroit mystérieux semble-t-il faire converger tous les instincts, toutes les émotions ? Quel est le sexe des anges ? Je veux savoir -- Enigme du désir, crie! Oui, il faudra que ce soit un octave plus haut et un ton plus fort, avec un appui de v i o l o n, et les deux sabres qui s’entrechoquent, pendant que le fouet claque sur son corps. Mais quoi? Il me faut encore des « i ».

Ah ! que ne suis-je Mallarmé!

  • Signe, bourrelle, et toi, prie!
  • Souffre et hurle, c’est écrit
  • Au ciel de mon crucifix.
  • Je tiens le deuxième quatrain. »

La cape a bougé. La femme en noir fait claquer le fouet dans l’air moisi de la salle. Cette détonation fait sursauter l’homme en croix, qui roule des yeux effrayés. Elle a promis, ma douce Mylène...

Il sent le vent du deuxième coup qui effleure ses côtes, et jusqu’à un glissement le long de la hanche fait de cuir comme le crissement d’une lame de rasoir sur une joue masculine, le matin. D’une précision diabolique, la lanière trace des volutes dans la lumière glauque, et il ne peut s’empêcher de se déhancher comme s’il prévoyait la brûlure imminente, impitoyable , obligée. Cependant, c’est à quelques centimètres que la tresse traverse l’espace, et au lieu de se rétracter, le corps de l’homme, mû par l’ancestrale volonté de montrer sa f o r c e, son courage, sa virilité définitivement mâles, se détend, le torse se gonfle, comme s’il était muni de la carapace de l’invincibilité. Son défi est perçu par la femme au fouet, qui attend l’acquiescement du sac de grain au coeur duquel fermente le désir. Mylène tergiverse, les yeux de son amant la bouleversent.

Elle a besoin de découvrir la suite. Elle bouge, le fouet s’élance, et après une courbe rapide, cingle la poitrine tendue en plein milieu, laissant immédiatement une zébrure large et rouge. Un cri a jailli, les bras se sont tendus, il s’est surélevé dans sa position crucifiante. Son sexe n’a pas réagi, au contraire, c’est lui maintenant qui se recroqueville alors qu’elle se déploie, se lève, se poste devant l’Homme et le premier mot jaillit dans la pénombre « Merci! »

Maintenant c’est à moi! pour extirper de mes synapses le vocabulaire précis, pour ciseler le bijou vénéneux de mon poème, je dois d’abord n’être plus qu’une idole désincarnée, squelette lié jusqu’à la sublimation... Car les mots se bousculent, j’en retiens quelques-uns, mais la drogue qui doit les mélanger pour émerger de cette bouillie hétéroclite ne naîtra que de ma propre souffrance... Allons, Mylène, sois courageuse, supporte jusqu’à l’extrême ce que tu espères, audacieuse et craintive.

Elle se dirige à pas lents vers la longue table de bois, qui luit comme un long cercueil verni, elle apprécie la robustesse des cordes, le treuil qu’elle assimile à un rouet d’autrefois, le rondin de bois fixé en son centre pour mieux la cambrer. Elle admire l’ingéniosité de la machinerie qui permet de présenter le corps captif dans n’importe quelle position, de l’horizontale à la verticale. Calme, elle sent la présence dans son dos de l’ Homme, son souffle dans son cou lorsqu’il détache la tunique, le torse qui se presse contre son dos nu, elle imagine le sillon indolore qu’elle a désormais entre les omoplates, les mains qui palpent un instant ses seins.

D’un geste gracieux, elle pose sa croupe sur le bois, allonge ses jambes, parallèlement, étire ses bras au-dessus de sa tête...

Pizzicati, glissando, staccato, pas de percussions, une vague profonde et lente qui emplit peu à peu l’espace, comme l’andante du quatrième concerto de Beethoven. Pas de percussions, mais quelques halètements de violoncelle, de contrebasse... Je.. Ah! Ca y est, douleur, là, les épaules, les hanches... Concentre-toi, Mylène, ne t’effraie pas: c’est l’Homme qui t’écartèle, c’est Lui qui te fait connaître l’étrange...

Les bras et les jambes semblent être indépendants du corps qui ne les commande plus: on dirait que l’écartement est une équation mathématique en train de s’accomplir. Elle sent , là où son corps est immobile et étendu, l’ensemble de ses fibres réagir peu à peu, jusqu’à ce qu’un éclair la parcoure furtivement entre le buste et les épaules. Cette sorte d’impulsion électrique glisse jusqu’au bout de ses doigts d’un côté, jusqu’à la pointe de ses pieds de l’autre, comme si un commutateur s’était furtivement allumé au passage, dans le plexus solaire aussi bien que dans le lombaire, faisant frissonner tout au long de son parcours les muscles longs des bras et des cuisses, s’insinuant comme des filets d’eau qui se ramifient et se perdent dans le sable du désert de sa peau.

Elle savoure cette étonnante et brève douleur et relève la tête pour s’admirer. Elle voit, entre ses cheveux blond-roux qui se collent un peu partout sur son visage, sa poitrine luisante de sueur, les seins étalés sur le torse mais encore coupoles tendres, elle sent une perle de rosée qui court entre eux et va se perdre au creux du nombril...

Elle aperçoit plus bas le triangle du pubis et les cuisses bombées, et cela lui est une volupté ardente, qui commence à enflammer son ventre. Elle souhaiterait, là, maintenant, entendre les claquements du fouet sur son corps, pouvoir réagir en haletant, en se tordant, en accouchant de son propre plaisir, mais c’est encore trop tôt, beaucoup trop tôt.

Attachée, elle se sent libérée, libre comme elle ne l’a jamais été.

Et elle sait que son b o u r r e a u insinue son regard entre ses cuisses écartées et que cela lui est une jouissance à lui aussi, il n’y a qu’à le regarder, lui aussi, entre ses cuisses... Et elle jouit de son pouvoir de domination, oui, de domination, elle, attachée, écartelée, heureuse et fière de sa nudité, de son incomparable beauté, alors que lui, en face d’elle, avec à sa portée tous les instruments de son supplice, est visiblement honteux d’arborer ce poignard rose pointant entre les bourses gonflées.

  • Je suis belle... Je suis la Beauté, sublimée, parfaite...
  • Mon corps satiné se cambre
  • Oui, il faut « ambre » comme rime... Ca ne vient pas... Tire donc, tire de ma souffrance mon
  • inspiration, ma transpiration...

La lente tension se poursuit, alors que l’officiant se penche sur sa douce proie, avec lui aussi des goutelettes qui sourdent de son front et tombent, parfois sur la peau du ventre de la jeune femme, lui procurant un instant qui se chiffre par millièmes de seconde un plaisir qui atteint presque à l’absolu, convergence de deux corps par le truchement de cette goutte miraculeuse et vite évanouie.

Il semble que l’homme soit devenu l’architecte de la splendeur de sa prisonnière, elle, devenue sujet d’expérience, lui, devenu disciple attentif et studieux: le contour de la chair est entièrement démontré, la traction rectifie ce qu’il pourrait y avoir de défectueux, même si peu, dans l’allongement de la statue charnelle qui tend à exposer comme un Fragonard non seulement sa peau mais aussi ses fines nervures qui courent en frissonnant le long des membres, mais aussi ses muscles, longs sur les cuisses, nerveux comme ceux d’un cheval s’apprêtant à ruer , sur les mollets et sur les bras, mais encore ses tendons, au niveau des aines et des épaules, mais aussi son propre squelette qui dessine la cage thoracique, amplifie l’ouverture du diaphragme en un V confondant de suavité, palpitant de fragilité dans la mince ossature des dernières côtes qui flottent sous la peau.

Le bois rugueux et mal arrondi griffe et irrite les reins et le dos, obligé d’une courbure outrée, outrancière, outrageante pour la plage dorée du ventre , impudique pour les pointes des hanches qui semblent s’e f f o r c e r de percer à jour, d’annihiler tout ce qu’il y a entre os et épiderme. Elle sent, mais son tortionnaire ne peut le voir, et elle s’en afflige, le chapelet de ses vertèbres qui courent de la nuque au sacrum, prêt à vibrer comme les touches d’un xylophone imaginaire  pour peu que l’on frappe sur les saillies osseuses. Elle imagine ce dos mince comme l’arête flexible d’un poisson -chat. Convexe dans sa nudité, elle sent les omoplates qui commencent à lui imposer une douleur lourde et lente.

  • Longue fente aux senteurs d’ambre,
  • Reins creusés dessus les dunes
  • De la croupe aux rais de lune
  • Quand le corps si fort se cambre!

Son ventre n’a plus d’épaisseur, il n’existe que pour guider l’œil du sternum au pubis, touffeur écrasante sur le buisson clair, au-dessus du sillon humide de désir. Depuis sa jeunesse, par un rapprochement osé, elle a toujours différencié les sexes « pudiques » et les sexes « impudiques ». Ainsi s’en est-elle entretenue avec sa meilleure amie, un jour de douche a d o l e s c e n t e, lorsqu’elles étaient nues toutes les deux.

Alors que ses propres cuisses, même largement ouvertes, laissaient obstinément closes les lèvres de sa féminité, sa camarade, à chaque ouverture des jambes, faisait bailler sa vulve et montrait le bouton du plaisir toujours prêt à prendre du service. Un peu étonnée, parfois vexée, elle se rend compte que la virilité de son maître de temps à autre se repose, et puis reprend vie, comme une chorégraphie sexuelle inédite, sans doute selon que le cerveau laisse fuser un fantasme nouveau, ou tout simplement que l’esthétique s’ajoute au désir, quand elle se crispe légèrement, qu’elle laisse s’entr’ouvrir sa bouche dans une muette supplication...

  • Je n’en peux plus, c’est étrange,
  • Douleur en plaisir se change...
  • Jusqu’où pourrai-je aller? mon dos semble se liquéfier, la douleur s’irradie je ne sais où, dans mes reins, dans mes aînes... Que va-t-il se passer?

Lorsque, d’un signe de tête, il montre qu’il est prêt à lui faire subir son supplice encore plus avant, du même signe de tête elle acquiesce, un semi sourire nerveux entre les lèvres. Les cordes reprennent leur traction rendue difficile par la résistance de toute la physique rassemblée des composants internes , de l’os à la moindre nervure, et même de la pompe cardiaque qui envoie des signaux de détresse dans les artères, en recevant de semblables des veines, et par la mise en action de toute la chimie, de l’adrénaline à la sueur qui s’affolent de conserve et envoient des appels, des mises en garde au cerveau qui n’en a cure, tout au moins en ce moment précis, puisque Mylène est encore en mesure d’apprécier cette tension ultime qui déchaîne des ondes maléfiques dans les reins, les os des hanches et des épaules, mais encore quelque peu bénéfiques dans les tréfonds du ventre féminin...

Jusqu’au moment où survient le cri obligé, venant malgré elle du même point du creux de ce ventre comblé et t o r t u r é à la fois, et qui, rauque, long, implorant, étonnamment grave, impose au tourmenteur une fin définitive à l’expérience sensuelle. Lorsque la manivelle de bois se cale dans le cliquet qui marque chaque étape de la traction, la corde se relâche un peu, et ce si peu que ce soit procure un bien infini quoique éphémère à la femme qui sent la circulation revenir dans ses membres engourdis.

Elle ferme les yeux, se plaît, pour augmenter ses sensations, à s’imaginer dans les sous-sols d’un amphithéâtre, à Rome, soumise au bon plaisir de b o u r r e a u x bardés de cuir et de fer insensibles à ses courbes et à ses amples longueurs, plutôt excités à la pensée de la mettre bientôt en croix, dans l’arène, les poignets et les pieds cloués, s a n g l a n t e et gémissante sous les coups féroces des fouets cloutés.

Ou, comble de raffinement si c’est devant l’Imperator, parsemés de diamants purs scintillant au soleil. Ou encore devant les juges encagoulés d’un tribunal de la Sainte Inquisition, le pubis rasé, les fers rouges appliqués sur les pointes de ses seins ou la chair de sa vulve. Ou peut-être dans une improbable guerre contemporaine, des fils électriques parcourant sa nudité, des pinces crochetant ses mamelons et son clitoris, et elle se cambrant sans pudeur dans une fin du monde faite d’étincelles et de grésillement de compteurs et de générateurs...

  • Folie du jet satanique
  • Génie du phallus lubrique,
  • Que le fouet me zèbre toute,
  • Que je hurle sous les voûtes...
  • « Enfin... le fouet, oui... Vite! et fort! Comme c’est promis... » Mylène ferme les yeux.

Mais c’est au contraire un océan de douceur qui la fait revenir à la réalité: d’abord l’homme a desserré l’étau douloureux en faisant revenir deux cliquets en arrière la tension des cordes, ce qui lui procure une détente immédiate: enfin, elle peut soulever légèrement son dos endolori et modifier de quelques millimètres sa position. La chair reprend sa féminité et n’est plus la statue immobile et attentive à son point de rupture.

De fait, des tressaillements parcourent son ventre, ses cuisses, ses bras, comme si ses muscles trop longtemps et trop fortement paralysés reprenaient une vie autonome. Ses yeux se rouvrent, juste à temps pour apprécier la beauté du geste de l’Homme qui, fouet en main, a lancé son bras, discobole aux muscles d’acier, doryphore à la lance pointée, et quelle lance !

Pareil aux athlètes en quête de victoire, il a précisément fait accomplir à son bras droit une courbe parfaite, et le serpent de cuir s’allonge, roide et sifflant, pour, de sa langue bifide, cracher la souffrance en travers de son torse, faisant vibrer les seins tièdes et jaillir d’un coup les pointes comme des dards. Mylène ne peut s’empêcher d’enfoncer ses ongles rouges et durs dans la chair tendre de ses poignets, juste au-dessus des cordes qui la tendent, et cela pour que cette douleur annihile la fournaise qui souffle dans la forge de ses poumons.

Ses yeux d’une incrédulité subite scrutent sans même qu’elle ait à lever , si peu que ce soit, sa tête bouillonnante d’émotions subtiles, ce mince fil rose qui sépare en deux son buste comme craquelé, d’autant plus que la seconde détonation sèche vient parachever l’artistique torture, cinglant sternum et côtes comme pour aller chercher les étincelles de sulfureuse douleur au long des nervures, des veinules et des artérioles qui plongent vers le centre ultime, où l’âme de l’être corporel n’a que faire des commandes inutiles des circonvolutions cérébrales pour mêler en un point précis, minuscule mais inconnu, le spermatozoide fouailleur de la souffrance et l’ovule rond et souple du plaisir.

  • Toi, l’Homme, issu de la fange
  • Change nous en sexe d’ange
  • Duquel, chaude et dorée, sourd
  • L’éternelle envie d’amour!...

Le corps étiré de la jeune femme se libère enfin, sa romance achevée, et elle peut se donner à fond dans une symphonie de feulements, de hurlements venant du plus profond de son ventre qui émeuvent le bourreau énervé mais précis, attentif aux tressaillements des muscles des cuisses, oh! ces cuisses ouvertes qu’il regarde tendre ses longs muscles spasmodiquement, oblongs comme ces échalotes dorées qu’on voit sur les étals des marchés de Provence, aux sursauts des fessiers qui rehaussent le pubis venant de lui-même à l’abreuvoir de la mèche impitoyable, aux torsions, limitées par la tension des cordes, qui rappellent soit le roulis, lorsque les biceps contractent le long corps, soit le tangage lorsque les seins, trop ardemment mordus , ondulent souplement jusqu’à soûler le flagellant, saoul, oui, ivre « de volupté, de tendresse et d’horreur » , à mesure qu’il harcèle sa proie.

Le plaisir fait fondre les entrailles de la suppliciée, augmente comme une vague qui s’enroule, emporte tout, raz-de-marée qu’elle accouche superbement dans un cri de délivrance, alors que, des aisselles aux cuisses, elle est parcourue d’un interminable frisson, le corps luisant d’eau, de larmes, de sueurs chaudes et froides, zébré de fines lignes s a n g l a n t e s, qui se croisent et se perdent dans les dunes des seins, dans les vallées du ventre et dans les algues du sexe.

  • Le silence...
  • Le silence... Mylène a fermé les yeux...

Un courant d’air comme une brise marine vient l’envelopper, soufflant frais de son visage à ses membres inférieurs.

Quand elle consent à rouvrir les yeux, elle ne perçoit qu’une irisation blanche: l’Homme vient de la recouvrir d’une douce étoffe de soie qui vient s’appliquer sur son corps nu, la laissant comme une jeune morte sous son linceul. Un long et étrange frisson vient lui donner la chair de poule, ajoutant à son extatique fantasme.

Puis son b o u r r e a u dévoile son visage, et, s’emparant d’un arrosoir au pommeau doré, verse sur le tissu une pluie glacée qui la surprend, la fait sursauter, presque se blesser sur le rondin qui creuse ses reins. Le corps est maintenant plus nu que nu, plus obsédant sexuellement que lorsqu’elle offrait sa perfection naturelle, car, plaqué sur la peau, sculptant les coupoles des seins, affinant la taille et détaillant les hanches, allongeant le fuselé des cuisses, il détaille surtout les pointes roses qui semblent percer le frêle tissu, ainsi que le creux du ventre, comme un abricot mûr, fendu, dénoyauté, tendre et juteux. Le linge s’imbibe légèrement des traces de s a n g qui sourdent des lacérations.

La respiration de la jeune femme se fait plus lente. L’effet est admirable sur le Priape de l’homme, impressionnant, noueux comme un cep de vigne, menaçant, gonflé, palpitant, comme une vipère balançant sa tête afin de chercher où lancer son venin. Enfin, pour clore cette longue séquence, il passe les doigts de sa main droite sur sa propre poitrine, là où le sillon tracé par le cuir l’élance et d’où sourd encore un peu de s a n g, et les pose sur le tissu blanc, à la pointe des deux seins de Mylène qui ferme les yeux.

Dernier moment, pendant que la lumière baisse, il plaque sa main gauche sur son propre ventre et la pose ensuite à l’endroit féminin ultime réceptacle de ce simulacre de cérémonie impie.

Cette chanson, je l’appellerai « El-Iqsir ».

FIN

Auteur Aliamet, alias le Papy

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